L’Atlas du Monde diplomatique
L’Afrique au tournant: Un continent entre croissance et inégalités
En un demi-siècle d’indépendance, l’Afrique jouit pour la seconde fois d’une conjoncture favorable, grâce à l’appréciation des cours du pétrole et des matières premières dont regorgent ses sous-sols.
vec une croissance de 5 % en 2004, 4,9 % en 2005, 5,8 % en 2006, 6 % en 2007, l’Afrique subsaharienne traverse, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sa meilleure situation économique depuis une trentaine d’années. En 2008, la croissance devrait atteindre environ 6,5 % selon la Banque africaine de développement (BAD). Cette augmentation du produit intérieur brut (PIB) moyen africain s’explique par trois facteurs : les revenus d’exportation, particulièrement ceux du pétrole, les investissements, et la consommation.
Les revenus générés par la flambée du prix du brut ont donné un coup de fouet aux économies pétrolières de la région, mais n’ont, malheureusement, pas entraîné une diversification des économies des pays producteurs, qu’il s’agisse de l’amélioration des infrastructures ou du développement humain.
Ils ont, en réalité, renforcé les enclaves logistiques et économiques que les compagnies étrangères créent dans les pays producteurs et d’où sont exclues les populations locales. Les revenus tirés de l’or noir ne contribuent en rien à l’amélioration du niveau de vie. Quant aux pays non producteurs de pétrole, ils se voient pénalisés : ils subissent les contrecoups de la hausse du prix du baril, notamment une contraction de leurs économies et une augmentation des prix des denrées alimentaires.
Les capitaux investis dans les pays d’Afrique proviennent essentiellement des pays émergents d´Asie : Hongkong, République de Corée, Chine, Inde et Malaisie. Au total, la région a bénéficié de 38 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) en 2007, contre 1,2 milliard de dollars durant la période 2002-2004. Mais ces IDE se concentrent dans les industries extractives et ne bénéficient qu’à un nombre limité de pays tels que le Nigeria, l’Angola, le Mozambique, le Soudan, le Congo Brazzaville, la Guinée équatoriale ou la République démocratique du Congo.
IMPORTATION DE PRODUITS DE LUXE
Pis : consacrés pour la plupart à l’exploitation des ressources naturelles, particulièrement le pétrole et les minerais, ces IDE perpétuent la dépendance de la région et son appauvrissement. Car ils contribuent à une exploitation systématique de ses richesses, sans la contrepartie d’investissements productifs, de créations d’emplois et d’exportations de biens manufacturés. Les flux commerciaux entre les pays de la région et ceux du reste du monde se réduisent à l’importation de produits manufacturés et à l’exportation de produits de base, ce qui freine tout développement industriel autonome. La concurrence des produits asiatiques menace en particulier la survie de certaines industries : ainsi le textile, menacé de faillite au Nigeria, au Cameroun, en Afrique du Sud et en Zambie, victime de la concurrence des exportations et des investissements chinois dans le secteur.
Cette propension des gouvernements africains à consommer des biens importés est exacerbée par une classe moyenne émergente issue de la nouvelle embellie et des politiques de discrimination positive en matière d’emplois et d’actionnariat. Ainsi avec les politiques mises en application en Afrique du Sud ou résultant des programmes de privatisation qui assignent des quotas d’actions à des nationaux.
Cette élite opère dans la finance, les mines, le transport, la construction, la petite industrie, l’import-export. L’émergence de ces entrepreneurs représente certes une avancée, mais leur boulimie de consommation de produits de luxe fabriqués à l’étranger accentue la sortie massive de devises. Or celles-ci auraient pu servir au renouvellement de l’épargne nationale, au réinvestissement et au financement d’autres activités, créatrices de plus-values et d’emplois.
Ainsi, les investissements, le commerce et la consommation, qui devraient constituer les facteurs d’une croissance saine et durable, génèrent, tout au contraire, déficits, pertes d’emplois et fuite des capitaux. Dans un tel contexte, il est logique que la croissance n’ait pas réduit la pauvreté ni, a fortiori, accru le niveau de vie des populations.