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Les Pages de Sanou Mbaye

L'Afrique a les moyens de s'en sortir !

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La menace des marchés dérivés

4 octobre 1994 par Sanou Mbaye

PERSPECTIVES: LE CINQUANTENAIRE DE BRETTON-WOODS: POINT DE VUE

Les marchés dérivés, nés de l’instabilité monétaire, aggravent les mouvements spéculatifs de capitaux et font peser sur le système monétaire le spectre d’une insolvabilité généralisée.

LE climat d’instabilité qui caractérise le système monétaire international depuis l’abandon en 1971-1973 de la convertibilité du dollar en or et de la fixité des taux de change a entraîné la création de nouveaux instruments financiers. Leur but: protéger les banques et les détenteurs de capitaux contre les fluctuations de grande ampleur des taux d’intérêt, des cours des devises ou des matières premières. Les utilisateurs de ces instruments « dérivés » nommés swaps, options ou futures anticipent l’évolution de ces agrégats et prennent des positions de sauvegarde.

Aujourd’hui le volume de ces transactions porte sur 12 000 milliards de dollars, un montant bien supérieur aux capitaux propres des banques engagées dans ces opérations. Aux Etats-Unis, un géant de l’industrie bancaire comme JP Morgan a des engagements hors bilan incluant les dérivatifs de 1 731 milliards de dollars contre un capital actions de 9,9 milliards. Chez Bankers Trust la proportion est de 1 923 milliards de dollars contre 4,5 milliards. Bien que la valeur nominale de ces engagements hors bilan ne reflète qu’imparfaitement leur valeur relative sujette aux variations du marché, l’énorme disparité entre leurs montants et les capitaux propres des intervenants fait naître des appréhensions sur la capacité de ces derniers à honorer leurs obligations en cas de crise majeure de paiement.

Le spectre d’une telle crise ne peut être écarté en dépit des déclarations apaisantes d’un Alan Greenspan, patron de la Réserve fédérale et les conclusions rassurantes de l’étude sur les marchés dérivés du « groupe des trente », publiée aux Etats-Unis en juillet 1993. En effet, les modèles sur lesquels se fondent les dérivatifs, quoique établis par des cerveaux scientifiques de premier ordre, n’en reposent pas moins sur des hypothèses qui tentent de mesurer le niveau futur d’agrégats éminemment fluctuants. Les risques de pertes découlant d’une mauvaise lecture du marché ou de l’insolvabilité d’une des parties contractantes sont donc bien réels. D’ailleurs, les erreurs d’appréciation coûteuses sont légion dans le monde des marchés dérivés. Cette année, Metallgesellschaft a perdu 1,4 milliard de dollars sur des « dérivatifs » en produits pétroliers, la compagnie pétrolière japonaise Kashima 1,5 milliard de dollars sur des « dérivatifs » en devises et Procter & Gamble 102 millions de dollars sur des « dérivatifs » en taux d’intérêt. Etant donné l’interaction des engagements sur les marchés des capitaux, la défaillance majeure d’une banque entraînerait automatiquement une insolvabilité généralisée.

Dans une situation d’insolvabilité généralisée, le rôle du prêteur de dernier ressort échoirait aux banques centrales. Or l’amplitude des sommes engagées fait douter de leur capacité à endiguer un défaut massif de paiement. Pour preuve, les banques centrales européennes ont été incapables de canaliser les mouvements spéculatifs qui ont conduit à la sortie de la lire et de la livre du système monétaire européen.

Depuis la disparition du régime des taux de change fixes et l’adoption de l' »étalon dollar », la création monétaire est totalement assujettie au volume des crédits que les banques accordent aux Etats, aux entreprises et aux particuliers. C’est dans une telle configuration que se sont développées une croissance accélérée des liquidités internationales et une économie mondiale d’endettement. Le volume des transactions journalières sur les marchés financiers a atteint le niveau extravagant d’environ 1 000 milliards de dollars par jour et les sommes colossales qui sont actuellement pompées dans les nouveaux pays industrialisés d’Asie, d’Amérique latine et dans les anciens pays communistes d’Europe de l’Est ne feront qu’amplifier le phénomène.

Une vague spéculative sans précédent

Pour faire face aux turbulences que provoquent de tels mouvements de capitaux, les principaux établissements financiers se sont dotés d’outils d’intervention. Mais ils restent impuissants à aller à l’encontre des profils d’investissement de leurs principaux clients, notamment les caisses de retraite et les compagnies d’assurances. Ces dernières, confrontées à l’amenuisement des cotisations qu’elles reçoivent et à l’accroissement des redevances qu’elles paient, misent de plus en plus sur les placements à court terme plus profitables, mais aussi plus spéculatifs.

Sans mesures concrètes tendant à limiter une émission incontrôlée de liquidités dans le monde, les dérivatifs ont certes servi à mieux gérer les déséquilibres inhérents au système, mais ils ont aussi nourri une vague spéculative sans précédent. Chez JP Morgan, le portefeuille de prêts a baissé de 26 milliards à 23,2 milliards de dollars ces cinq dernières années. Même chose chez Bankers Trust, où, de 1989 à 1993, il est passé de 18,4 milliards à 13,9 milliards de dollars. Les revenus enregistrés par ces banques ont suivi la même tendance: ceux en provenance de dérivatifs supplantent ceux découlant des intérêts sur les prêts conventionnels: 1,6 milliard de dollars à Bankers Trust contre 1,3 milliard de dollars en 1993.

L’instabilité à l’origine de la création des dérivatifs réside dans l’extension, hors de tout contrôle des banques centrales, d’un système privé d’émission, de circulation et de détention monétaire. Tant que ce problème n’est pas résolu, l’économie d’endettement continuera, et la menace de son effondrement persistera.

Le débat devrait donc d’abord porter sur les moyens de restituer aux seules banques centrales la mission d’émettre de la monnaie, et de contrôler les mouvements de capitaux sans pour autant entraver l’expansion des échanges internationaux. Malheureusement, ces préoccupations vont à l’encontre de l’esprit ultralibéral actuel. Il est donc à craindre que le cycle croissance-récession-croissance, entrecoupé de krachs financiers épisodiques, fera partie, pour un temps encore, du paysage économique et financier, comme semblaient le craindre déjà, en leur temps, le général de Gaulle et son économiste de prédilection: Jacques Rueff, quand ils prônaient un retour pur et simple à l' »étalon or » assorti d’un contrôle des mouvements de capitaux afin d’immuniser le système monétaire international contre une telle fatalité.

Sanou Mbaye est chargé de finance principal au bureau européen de la Banque africaine de développement (BAD) . Il s’exprime ici à titre personnel .

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Catégorie(s) : Économie Étiqueté : Alan Greenspan, Amérique latine, Bankers, Bankers Trust, Banque Africaine de Développement, Bretton Woods, compagnies d'assurances, d'Amérique latine, De Gaulle, Etats-Unis, Europe, Jacques Rueff, JP Morgan, Metallgesellschaft, pétroliers, Procter, produits pétroliers, Réserve fédérale, taux de change

Sanou Mbaye

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Sanou Mbaye, ancien haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement, est un chroniqueur politique et économique. Ses écrits sur le développement des pays africains proposent des politiques alternatives à celles mises en place, en Afrique, par des Occidentaux et leurs bras alliés : le FMI et la Banque mondiale.

Auteur de L’Afrique au secours de l’Afrique, Editions de Atelier, Ivry, 2009.

 

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