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L'Afrique a les moyens de s'en sortir !

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Le pillage de l’Afrique par les Français

20 janvier 2004 par Sanou Mbaye

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La domination politique, économique et militaire incontestée de la France sur ses anciennes colonies d’Afrique Noire est enracinée dans une devise, le franc CFA. Créée en 1948 pour permettre à la France de contrôler le destin de ses colonies, quatorze pays (le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la Guinée Bissau et le Tchad) ont maintenu la zone franc même après qu’ils aient obtenu leur indépendance des décennies auparavant.

En échange de la garantie française de la convertibilité du franc CFA, ces pays ont consenti à déposer 65 % de leurs réserves de devises étrangères sur un compte spécial du ministère des Finances français et ont accordé à la France un droit de veto sur la politique monétaire de la zone franc chaque fois que ce compte spécial serait trop à découvert. Ces décisions ont eu des conséquences dévastatrices pendant quarante ans.

La majeure partie de la réserve de francs CFA provient du commerce entre la France et ses alliés africains. Par conséquent, la zone franc a toujours eu peu d’argent à sa disposition et des taux d’intérêt élevés. D’un autre côté, conformément aux programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale, une discipline budgétaire rigoureuse a permis de conserver une inflation faible, comme si se serrer davantage la ceinture au nom de la stabilité des prix constituait la priorité à adopter en matière de politique dans des pays désespérément pauvres touchés par des décennies d’une demande en baisse.

Résultat, une combinaison redoutable de convertibilité des devises, de taux d’intérêt qui grimpent en flèche, d’inflation faible et de mouvement des capitaux sans entraves, qui ne fait qu’alimenter la spéculation et la fuite des capitaux. Les spéculateurs transfèrent des sommes d’argent énormes de la France vers des comptes de dépôts locaux portant des intérêts élevés, collectent leurs gains exonérés d’impôt tous les trois mois et font de nouveau le plongeon de garantie du découvert.

Les banques commerciales sont inondées de ces fonds de spéculation à court terme instables qu’elles prêtent aux gouvernements selon les conditions les plus draconiennes possibles. Les banques et les spéculateurs récoltent une coquette somme, les gouvernements sont criblés de dettes commerciales insoutenables, le secteur national de production est privé de financement sur le moyen et le long terme, et la majorité des individus restent empêtrés dans une pauvreté écoeurante.

Entre-temps, le transfert libre des profits, le remboursement des dettes et la propension de l’élite à expatrier leurs biens entraîne une fuite des capitaux. Cette hémorragie massive de la devise étrangère est dirigée exclusivement vers la France grâce au contrôle des capitaux qu’elle a mis en place en 1993. Par conséquent, certains des pays les plus pauvres du monde financent une partie du déficit budgétaire français.

La seule raison logique de l’existence du franc CFA est la connivence qui existe entre la France et les élites qui gouvernent ses anciennes colonies dans le but de piller les états de la zone franc. Même les effets bénéfiques de la devise commune sur le commerce entre les pays membres ont été neutralisés par la décision paradoxale prise par les anciennes colonies françaises d’Afrique noire en vue de démanteler la structure gouvernementale fédérale et le marché unique de l’époque coloniale et d’édifier des barrières commerciales à la place.

Comme si tout cela ne suffisait pas, le taux de change du franc CFA, qui était demeuré inchangé depuis 1948, a été dévalué de 50 % en 1994. Y avait-il un meilleur moment (du point de vue des investisseurs étrangers, cela va sans dire) pour entreprendre une vaste privatisation des biens de l’Etat ? Sous les auspices du FMI et de la Banque mondiale, des secteurs lucratifs tels que l’énergie, les télécommunications, l’eau et les banques ont été liquidés aux entreprises occidentales à des prix défiant toute concurrence.

Ainsi, le partenariat conclu entre la France et ses anciennes colonies africaines s’est finalement soldé par un déséquilibre spectaculaire. La France a obtenu un vaste marché pour ses produits, une réserve constante de matières premières à bon marché, le rapatriement de la part du lion qu’elle s’est taillée sur les économies locales, une influence politique incomparable, une présence stratégique importante avec des bases militaires occupées à titre gracieux, et la certitude qu’elle peut compter sur le soutien diplomatique de ses alliés africains. Mais pour les Africains, le partenariat a signifié une performance commerciale faible, une somme d’argent restreinte, des taux d’intérêt élevés, une fuite massive des capitaux et des montagnes de dettes dont le remboursement empêche tout investissement supplémentaire dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé, de la production alimentaire, du logement et de l’industrie.

Les effets négatifs de cet accord s’étendent en outre au continent africain dans son ensemble. Au niveau politique, la France et ses alliés sont opposés au concept d’un gouvernement continental prôné à la fin des années 1950 et au début des années 1960 par des individus comme Nasser et Nkrumah. Ils ont contribué à faire obstruction au projet et à fonder le club africain notoirement inefficace composé de chefs d’Etat, l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ramenant ainsi l’intégration africaine des décennies en arrière.

Lorsque l’OUA a mandaté la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) afin de promouvoir l’union monétaire et économique régionale, la France et ses alliés ont agi rapidement pour y faire obstacle en menant la création de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Ils ont ainsi empêché en partie la CEDEAO d’imiter les performances économiques de ses organisations soeurs, la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA) et le Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA).

Mais pour les alliés africains de la France, la greffe d’un programme d’intégration économique sur une union monétaire artificielle préexistante est illusoire et impraticable. En effet, cette greffe a séparé la structure de ces sociétés depuis la soi-disant indépendance de 1960. Il n’est pas étonnant qu’à l’heure actuelle, la majorité de ces pays soient confrontés à des troubles civils, des rébellions et un risque d’implosion.

Pour que l’Afrique française puisse se développer, la zone franc doit être démantelée. La naissance de l’euro a offert à ces anciennes colonies une chance de se libérer de l’étreinte étouffante de la France. Ils ne l’ont pas saisie. Au lieu de cela, ils ont fixé leur devise sur l’euro et non plus sur le franc CFA, tout en gardant les mêmes règles, les mêmes institutions et le même mode de fonctionnement. Cette décision aura certainement des conséquences tragiques pour les citoyens de l’Afrique francophone.

Sanou Mbaye a occupé le poste d’économiste à la Banque Africaine de Développement

Copyright : Project Syndicate, janvier 2004.

Traduit par Valérie Bellot

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Catégorie(s) : Économie Étiqueté : Afrique, Banque Africaine de Développement, Banque mondiale, Bénin, Cameroun, CFA, Congo, FMI, franc cfa, France, Gabon, hémorragie, inflation, institutions, Mali, Niger, OUA, partenariat, taux de change, Tchad, Togo, UEMOA, zone franc

Sanou Mbaye

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Sanou Mbaye, ancien haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement, est un chroniqueur politique et économique. Ses écrits sur le développement des pays africains proposent des politiques alternatives à celles mises en place, en Afrique, par des Occidentaux et leurs bras alliés : le FMI et la Banque mondiale.

Auteur de L’Afrique au secours de l’Afrique, Editions de Atelier, Ivry, 2009.

 

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